Qu’est-ce qu’un péché mortel ?
« On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait : ceux qui commettent de telles actions ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu », harangue saint Paul dans sa lettre aux Galates (Gal 5, 19-21).
Dans La Cité de Dieu, Saint Augustin va jusqu’à définir le péché comme « amour de soi jusqu’au mépris de Dieu », par opposition à la charité, « amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ». Dans son Catéchisme (CEC §1849), l’Église caractérise quant à elle le péché comme « un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain », et distingue alors le péché dit « véniel », du latin venialis, c’est-à-dire « pardonnable » du péché dit « mortel » qui coupe totalement de l’amour de Dieu.
Distinguer les formes du péché
La distinction des péchés selon leur gravité est déjà présente dans l’Écriture, lorsque saint Jean invite, « si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui n’entraîne pas la mort » à prier afin que « Dieu lui donne la vie » et précise que’ « il y a un péché qui entraîne la mort, ce n’est pas pour celui-là que je dis de prier. Toute conduite injuste est péché, mais tout péché n’entraîne pas la mort » (1 Jn 5, 16-17). Ainsi, si « le péché mortel détruit la charité dans le cœur de l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu [et] détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur, le péché véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et la blesse » (CEC §1855).
Trois conditions font basculer la faute du côté du péché mortel : celle-ci doit avoir « pour objet une matière grave » ; « être commise en pleine conscience » et être « de propos délibéré » précise saint Jean Paul II dans son exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia. La « matière grave » est annoncée dès l’Ancien Testament, lorsque Dieu dicte le Décalogue à Moïse (Ex 20, 1-18), puis est reprise par le Christ Lui-même face au jeune homme riche : « Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage. Honore ton père et ta mère. Et aussi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Mt 19, 18-19).
Ainsi, le péché mortel est celui qui est commis en pleine connaissance de cause et volontairement : pèche mortellement celui qui connaît le caractère peccamineux de son acte et y adhère par un choix personnel. « On n’en viendrait pas à commettre un acte mauvais si une volonté mauvaise n’avait pris les devants », rappelle saint Augustin (Cit. XIV, XIII). C’est l’image même de la désobéissance d’Adam et Ève, dont l’acceptation du fruit présenté par le serpent malgré l’interdit divin consiste en un acte personnel entièrement libre. En effet, l’être humain n’est pas un jouet malléable soumis au Malin qui le manipule et le force à se détourner de Dieu : lorsque nous péchons, nous consentons librement à la tentation, comme Adam et Eve qui tendant la main pour manger le fruit que le serpent leur propose dans le jardin. Que l’on ne se décourage pas, saint Paul lui-même déplorait : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7, 19).
Une fermeture totale et éternelle à l’amour de Dieu
Le péché mortel, contrairement au péché véniel, est donc celui qui coupe totalement de l’amour et du don de Dieu. En se confortant dans une situation peccamineuse dont il a conscience mais dont il ne veut pas se défaire, ou en refusant de confesser une faute pour accueillir le pardon de Dieu, le pécheur se prive lui-même de la participation à la vie éternelle, c’est-à-dire à la béatitude dans la contemplation de Dieu face-à-face. Il se condamne alors à la damnation et à l’Enfer.
En refusant une réconciliation avec Dieu, c’est-à-dire un retour à la grâce qui exige le renoncement à cette situation, l’homme pose en toute liberté les choix qui engagent sa vie entière, ici-bas et au moment de sa mort. Comment imaginer que celui qui a rejeté Dieu délibérément toute sa vie, puisse choisir de plonger entièrement dans Son amour, en Sa présence, au jour de la rencontre ? « Déserteur de la vie éternelle, poursuit saint Augustin, il a été condamné à une mort tout aussi éternelle, à moins d’en être libéré par la grâce » (Cit. XIV, XV). C’est donc le pécheur qui se condamne lui-même.
Le Concile de Trente rappelait cependant que si elle est une grâce inépuisable, l’absolution offerte lors de la confession n’est pas un subterfuge permettant de pécher impunément (Catéchisme du Concile de Trente, 11 §IV) :Il faut bien avertir les Fidèles qu’une si grande facilité de pardon, si étendue du côté des fautes, et si illimitée au point de vue du temps, ne doit point les rendre plus libres pour se livrer au péché, ni plus lents pour se repentir. Dans le premier cas ils seraient évidemment convaincus de mépris injurieux pour cette Divine Puissance, et par conséquent ils seraient indignes de la Miséricorde de Dieu. Dans le second il y aurait grandement à craindre qu’ils ne fussent surpris par la mort.
Toutefois, si Dieu n’aime pas le péché, Il aime le pécheur et est toujours prêt à accueillir celui qui se repend dans le sacrement de la réconciliation, quelle que soit la gravité de sa faute. Rappelons-nous du bon larron, ce véritable criminel repenti devenu le premier saint de l’Eglise à qui Jésus, sur la croix, promet le Royaume.